Moi aussi, j'ai eu ma deuxième étoile
Amis de la poésie, des longs champs de blé sous le soleil d'été, de la perle de rosée surfant sur le brin d'herbe frais pour éviter les premiers rais d'un soleil assassin, passez votre chemin. Vite, lectus interruptus ! Ce qui suit risque de ne pas être à votre goût... Ah mais non, pourquoi j'ai parlé de goût !
Dimanche dernier, la France était en liesse (énorme), oubliant la liasse (plus énorme encore) que nos nouveaux champions reçoivent chaque mois comme un camouflet à la détresse sociale. Je dois avouer que, pour ma part, j'étais dans un autre trip. Focus sur mes tripes. C'était la veille d'une opération chirurgicale sans cicatrice si ce n'est psychologique pour l'hétéro convaincu (en un seul mot) que je suis. Scène deux, trois ans après une première expérience bien trop fraîche encore.
15h00. Mon match commence. Première ingestion de Picoprep. Ma stratégie est simple. Arriver au but le plus vite possible, sans obstacle. Toute la famille est déviée sur la salle de bain pour laisser le champ libre.
17h00. LE match commence. J'ai pas la TV dans les toilettes. Je tente une ouverture vers le salon. Je rebrousse chemin aussitôt. La défense est trop forte. La descente itou. Je pense aux chutes du Niagara. Je vérifie mon stock de rouleaux pour la troisième fois. C'est qu'il baisse à vue d'oeil, le bougre !
19h00. Alors que la France entière scande "On est les champions, on est les champions, on est, on est, on est les champions !" J'entends d'autres paroles parce que dans quelques heures "On m'visite le fion, on m'visite le fion, on me visite, on me visite le fion !" Faudrait vraiment que j'améliore l'acoustique de mes gogues.
20h00. Picoprep, le retour. J'ai terminé mon Fantomiald. Je fixe le verrou. Je pense au sketch de Coluche sur les dragées Fuca. Si y a des verrous dans les chiottes c'est pas pour empêcher le mec de sortir. En général il est venu exprès, tout seul, de son plein gré. C'est pour éviter qu'il y en ai un autre qui rentre qui se fait aussi examiner le fondement le lendemain. Qui vient pour la deuxième couche. "Non merde, y a déjà quelqu'un, merde ! C'est salaud !"
L'après-midi peut se résumer en une boucle sans fin : "Oh ! Clap clap clap clap clap clap ! Plirilouf splash plop ! Aahhh ! Clap... Clap... Clap..." le tout parfois entrecoupé d'un "Buuuuuuuuutttttt !!!!!"
21h00. Arrive l'heure de l'abjectitude. Parce que oui, mesdames et messieurs, le plus pénible dans la coloscopie, ce n'est pas l'examen à proprement parlé. Oh que non ! C'est le moment de se taper le litre de Klean Prep sachet n°1 sans le sachet N°2. Comment vous dire... Imaginez le résultat du repas familial de l'année à base d'huîtres à la fraîcheur limite, de raclette puissante et d'un maroilles bien fait en guise de dessert - parce qu'il ne faut jamais renier ses origines - poussant les mains Mappa à abuser du produit dégraissant sur la vaisselle tant les effluves sont tenaces. Et maintenant, buvez. Buvez toute l'eau de vaisselle en l'espace d'une heure. Bien sûr, on termine là-dessus parce qu'après, à jeun vous serez. Pas moyen d'avaler quoique ce soit pour faire passer le goût qui vous fera toute la nuit jusqu'au petit matin. Vous en serez à regretter le rat mort que vous vous connaissez dans la gorge les lendemains de cuite.
L'instant fatidique. Je suis habillé de papier bleu. Une magnifique charlotte finit de ridiculiser ma crainte. Le selfie ne passera pas par moi. Pas là, pas tout de suite. La nouveauté pour cette deuxième fois, c'est qu'on va m'ausculter des deux côtés. Coloscopie et gastroscopie. Fromage et dessert. Vaisselle à la main et lave-vaisselle. Désolé, un relent. En cette période de crise hospitalière, je me dis que si les budgets ne permettent qu'une caméra, je préférerais qu'on commence par la gastro. L'anesthésie commence à faire son effet. Une petite chanson s'insinue entre mon compte à rebours. "Au début, j'avais peur, j'étais pétrifié... Et alors tu reviens dans mon espace... Allez vas-y, sors d'ici, fais demi-tour maintenant... Je survivrai, hé hé !"
Deuxième étoile à droite et tout droit jusqu'au matin. Je suis Peter au travers des nuages. Never Neverland. Le pays du grand jamais. Jamais je ne serai grand. Jamais je ne détesterai Fantômette. Jamais je ne perdrai mon âme d’enfant. Jamais on ne me mettra quoi que ce soit dans le croupion. La fée Clochette m’appelle. Monsieur ? Monsieur ? Il faut vous réveiller.
La France est championne du monde. Je suis pas mal non plus. Le médecin passe me voir. Rien de grave. Tout va bien. Je survivrai. À la suffisance des français, au Tour de France, à la canicule, aux haters, je survivrai. La la la la la....
Finalement, ce que je retiens de cette histoire, c'est que je ferais un piètre amant si j'étais homosexuel. À chaque fois qu'on me fait l'amour, je m'endors.