David Hey Ho

Mots, textes, interviews et vidéos

Le doute m'habite

Résumé de l'article précédent : "je suis un connard."

Un individu de mouvance blog tendance grincheuse et d'obédience "fuck la planète je suis libre un max" m'a laissé un message exsangue de courtoisie me mettant devant le fait accompli d'une vie ratée et d'un intellect à coquille mais sans perle dont le rayonnement provoque haut-le-coeur et antipathie. La raison, un commentaire que je me suis senti obligé de lui laisser suite à des propos irréfléchis et à l'attaque en règle d'une amie dont je connais la force mais aussi la sensibilité. Les mots ne sont pas anodins. "Les mots sont des armes de jet et des armes d'hast, ils ont l'air innocents quand on les dit, aussitôt lancés, ils s'aiguisent comme des dards et vont cribler de traits l'interlocuteur." disait Juan Manuel De Prada dans La tempête. Merci Google. L'éventuelle bonhomie d'un propos n'enlève rien au tranchant de l’invective. Le sourire du diable s'invite en filigrane sur les réseaux sociaux. L'effet boule de neige offre une caisse de résonance pouvant mener les plus sensibles à une caisse définitive sous les racines des saules pleureurs et des âmes en peine. Au fil des morts, les mots trop forts tuent plus qu'ils ne blessent en ce vingt-et-unième siècle qui sera harceleur ou ne sera pas.

Nous n'avons jamais aussi bien vécu, plus longtemps qu'aucun autre humain avant nous. La souffrance face aux mots quant à elle reste la même qu’au temps du premier verbe. Chance et tuile cohabitent comme une chatte sur un toit brûlant. L'avenir est un félin qui ne fera pas même cas de l'enfant et de son avatar “on the net”. Lili et la petite souris l'amenant à surfer sur la toile du monde s'offrira des merveilles et quelques déconvenues. Mais ces dernières aussi infimes soient-elles, allez savoir pourquoi, seront toujours plus fortes, toujours plus assassines. La parité des sentiments n’est pas de mise. La nuit du chat noir s'offre la martingale absolue grâce au village planétaire et à l'anonymat des masses. L'ouverture au monde ne nous protège pas du sadisme des proches. Quand l'âme de Paris rejoint the soul of London, le tunnel sous la manche est clean de toutes intempéries. Le support ne souille pas l'atma des voyageurs. Il n'en est malheureusement pas de même pour l'internet. Nous l'imaginons comme une formidable évolution mais pour certains d'entre nous, les plus jeunes souvent, il est l'objet d'une inexorable chute libre. Mais je m'égare, du Nord ou de saint Pancréas. Un jeu de mot ferme la parenthèse alarmiste. Parce que le mot est drôle itou. L'arme peut se muer en bouquet de fleurs, en rires en cascade, en eau qui fait du bien, en rouge sur les joues, en belles conneries aussi.

La meurtrissure des mots d'avant se cicatrise. Mister connard reprend l’ascendant. Sous le statut de mon amie remerciant à l'émoticône celles et ceux qui l'avaient soutenus dans le drama qu'elle venait de subir, j'ai lu un commentaire qui m’a interloqué : "Ne doute jamais de toi". Je loue l'intention mais m'insurge contre le contenu. Fi du talent sans le doute. C'est lui qui impose de revoir en permanence sa prose, de la peaufiner, de l'améliorer. Souvenez-vous la phrase d'Audiard : "Les cons, ça ose tout ! C'est même à ça qu'on les reconnaît". Le doute empêche de tout oser, empêche le pas de côté qui nous sera néfaste. Le sanguin est une personne intelligente qui a oublié de douter. Doutons de tout même de la mort, doutons de tout sauf de l'amour. Le vrai talent est de savoir précisément quand le doute doit se faire audace.

Ah oui, au fait, si vous avez trouvé le début très sombre, tranchant complètement avec ma production habituelle, c'est que je me suis mis sur la couenne une petite contrainte que devineront, j'espère, la principale intéressée et ses fervents lecteurs. Je ne pense pas forcément tout ce que j'ai écrit. C'était pour le fun. Parce que vivre heureux sera notre plus belle aventure, une aventure que je dédie à mon frère que je sens revivre en ce moment. Je ne saurais être plus heureux pour lui.

Et si les mots ne suffisent plus, il reste d’autres arcs pour vos flèches.

Trop de mots

Trop de mots