David Hey Ho

Mots, textes, interviews et vidéos

 

Un drôle de commentaire quoi qu'on endive

Un auteur qui analyse son style est un auteur fini. La peinture, c'est comme la merde, ça se sent mais ça ne s'explique pas, disait Toulouse Lautrec en s'essuyant le pinceau sur les fesses de la Goulue. Il neige comme jamais autour de chez moi au point que l'alerte météorologique s'est teintée d'une franche couleur nez de clown comme pour donner le top à l'enfant qui sommeille en nous de sortir couvert avec une seule idée en tête, s'éclater. Les activités possibles sont légion.

Un auteur qui analyse son style est un auteur fini. La peinture, c'est comme la merde, ça se sent mais ça ne s'explique pas, disait Toulouse Lautrec en s'essuyant le pinceau sur les fesses de la Goulue. Il neige comme jamais autour de chez moi au point que l'alerte météorologique s'est teintée d'une franche couleur nez de clown comme pour donner le top à l'enfant qui sommeille en nous de sortir couvert avec une seule idée en tête, s'éclater. Les activités possibles sont légion. S'absorber dans une bataille de boules de neige en visant boules à paillettes et boobs à pouët-pouët parce que ça fait pouffer les copains. S'allonger dans la poudreuse, bras et jambes s'agitant pour dessiner un angelot en évitant les engelures. Enlever ses gants pour tenter de s'attraper le stalactite et écrire son prénom dans la neige. Ayons une pensée pour les Pierre-Alexandre, surtout si leur catholicisme leur a subtilisé l’avantage d'une bite à col roulé, plus indéniable dans l'exercice. Façonner un bonhomme de neige - ou une bonnefemme de neige, n'oublions pas les féministes en Moon Boot - en utilisant un nez en légume de saison pour éviter de se faire engueuler par Philippe Etchebest au lendemain de Top Chef. Ça tombe bien, on est en plein dans la carotte. Mais vous pouvez tout aussi bien opter pour le poireau, le salsifi, ou même l’endive. Ah mais oui, voilà enfin une bonne façon de disposer de ce saumâtre ramassé de feuilles blafardes qui ne s'explique pas.

L'endive au jambon est à la gastronomie ce que le furoncle purulent sur tarin est à la beauté. Telle la plus virulente des gastros, elle provoque vomissements à jet et diarrhées collantes si on y approche ses lèvres d'un peu trop près. Chaque année, ce légume qu’on distingue à peine du suppositoire obtient le peu convoité prix Puduku lors d’une élection de type miss immonde du potager, l'endive étant le seul légume inversant la tendance traditionnelle de la digestion, infect aux palets et chic aux raies. Les gens du Nord ont dans leurs yeux le bleu qui manque à leur décor, d'accord, mais ils ont surtout l'intelligence des mots à la signification précise. Dans les Hauts-de-France, je ne l'invente pas, on l'appelle chicon, bien que pour ma part je l'aurai écrit en deux mots.

Pourtant, là n'est pas le sujet à l'origine de cet article. Pas plus que la poudre de notre enfance qu'adulte certains souhaitent retrouver en se l'administrant par voie nasale. Neige, pureté de la nature qui se transforme en merde au contact des hommes. Non, en prenant la plume du clavier, ce matin, je voulais partager avec vous un petit moment de vie, le plus insignifiant qui soit, la réception d’un mail. Entre une promotion Damart, une promesse de gagner quelques centimètres au kiki même par grand froid et une énième relance de mon banquier qui, c'est ballot, s'est retrouvée dans mes spams sans chance que j'en prenne connaissance avant la corbeille, je le remarque par son objet : "Vous avez reçu un nouveau commentaire".

Il fut un temps, j'étais blogueur. Entre 2006 et 2011. Je m'amusais avec les mots autant qu’avec les visiteurs. C'était rigolo. J'ai fait des rencontres qui me marqueront à vie grâce à ce blog. Depuis, Facebook a pris le relais et je n'y écris quasiment plus. C'est donc étonné et nostalgique que je clique sur le lien au bas du mail pour découvrir la réaction du jour à un de mes vieux articles intitulé "Le second degré pour les nuls". Plutôt que de vous le résumer, comme il n'est pas très long, je vais vous le copier/coller :

Je me dis parfois que celles et ceux qui arrivent en ces pages comme ça, sans explications, alors qu'ils cherchaient sérieusement sur Google des informations intéressantes et importantes doivent se demander où ils sont tombés. Ils se brûlent au premier degré et évacue fissa en se promettant de nous plus jamais y mettre les yeux ni aucun organe vital, l'intégrité de leur corps leur important autant que l'intégrité tout court. Cours, donc si tel est ton choix. N'empêche qu'avec un peu de recul, la plupart resterait et se plairait ici, j'en suis sûr. Quel ne fut donc pas mon ravissement de tomber sur l'article [inception d'articles, dis-donc ! Note de l'auteur de 2018] qui suit, une belle leçon de second degré avec exercice pratique et tout, et tout !

Définition : Le second degré, en opposition au premier degré, qualifie un propos qui ne doit pas être pris "tel quel", le sens réel pouvant être contraire du sens perçu.

Mais voilà, c’est bien compliqué tout ça, car de nombreuses choses peuvent influer sur le degré d’une affirmation…

Exemple :
- Hello Kitty, c’est pour les pédés.

Difficile, sans plus d’information, de connaitre le degré de cette phrase. Mais :

Stéphane Laplaque, directeur artistique, en couple depuis 9 mois avec Jean Leprêtre dit :
- Hello Kitty, c’est pour les pédés.

Maurice, chasseur, veuf, adhérent du Front National depuis 14 ans, affirme :
- Hello Kitty, c’est pour les pédés.

Sentez-vous la nuance ? Bravo ! La première phrase est au second degré, la seconde au premier degré.

À l'époque, en 2009, l’article n'avait suscité qu'un intérêt poli. Avec le recul, je me demande pourquoi je l'ai posté. Il n'a rien d'extraordinaire, on n'apprend finalement pas grand chose mais, bon, ce que je retiens, c'est qu'il n'a pas été l'objet d'insultes ou de drama. Le bon temps.

Et puis, hier, ce commentaire : donc un adhérent du fn et adepte de leroy merlin est un sous homme et un directeur artistique pd une espèce d’élu ^^ merci de m'informer !

Le décalage de neuf ans entre l'arbre et le fruit m'explose à la gueule. Une grenade sans doute, le fruit. J'ai du mal à penser que ce commentaire est au second degré. Bien sûr, on peut supposer que le double accent circonflexe exprime une forme d'humour mais je n'ai pas ri en découvrant ces mots. Je me dis que j'ai vieilli mais, surtout, que même si je me considère libre dans ma pensée, je subis la société du politiquement correct à mon corps défendant en prenant au sérieux ce qui n'est peut-être qu'une galéjade mal gérée. Ou alors c’est vraiment une quenelle. J’aime bien les quenelles. Pas le geste, hein, le plat. C’est bon les quenelles. Dis, Dieudonné, ton pseudo dab de merde, tu veux pas l’appeler endive plutôt ? Ça ne me rallierait pas à ta cause mais je trouverais ça plus logique, ça collerait mieux.

Et vous, si vous étiez à ma place, vous en penseriez quoi de ce commentaire ?

Vous avez remarqué, comme à mon habitude, je me suis dans un premier temps concentré sur un détail de mon quotidien, un banal mail, pour au final toucher à un sentiment plus global. Si ça se trouve, c'est ça mon style. Damned, comme l'article, je suis fini !