David Hey Ho

Mots, textes, interviews et vidéos

On n’est pas dupes

On nous la fait pas à nous. On a tellement vu de séries policières toutes calquées les unes sur les autres. L'assassin, c'est toujours celui qu'on voit quelques secondes lors du déroulement de l'enquête. Le judas, c'est celui qu'on ne soupçonnait pas au début mais, depuis le temps, on le voit arriver avec ses grands sabots. Trop gentil pour être honnête. Et quand une prise d'otages intervient, c'est systématiquement l'un des protagonistes récurrents de la série qui s'avance héroïque en proposant un échange entre lui et la femme enceinte sur le point d'accoucher.

On nous la fait pas à nous. On a tellement vu de séries policières toutes calquées les unes sur les autres. L'assassin, c'est toujours celui qu'on voit quelques secondes lors du déroulement de l'enquête. Le judas, c'est celui qu'on ne soupçonnait pas au début mais, depuis le temps, on le voit arriver avec ses grands sabots. Trop gentil pour être honnête. Et quand une prise d'otages intervient, c'est systématiquement l'un des protagonistes récurrents de la série qui s'avance héroïque en proposant un échange entre lui et la femme enceinte sur le point d'accoucher. Pour que l'épisode tienne cinquante deux minutes, on tente d'humaniser le bad guy qui, finalement, n'en est pas vraiment un. Son état de victime l'a poussé à la seule solution restante, devenir hors-la-loi pour faire entendre sa détresse. À la fin, le héros retourne la situation sans une égratignure s'il ne s'appelle pas John McClane, récupère l'arme du méchant après avoir tenté de le faire vaciller dans ses certitudes. Parfois même, le preneur d'otages meurt sous les balles du cheval de Troie. Le téléspectateur est heureux. Il ne le montre pas - il n'est pas dupe - mais dans son for intérieur il applaudit à tout rompre. Happy end. Bas instincts powa. Sans transition, le series addict sort du canapé, va se chercher une bière fraîche dans le frigo et enchaîne avec l'épisode suivant. Génération Netflix.

Dieu n'est pas un scénariste comme les autres. Il se fout des audiences. Quand le lieutenant-colonel de gendarmerie Arnaud Beltrame se livre au ravisseur barbu en échange de la libération d'otages, il prend la décision que lui dicte son courage, sans connaître le scénario à venir. Si on admet que le tout-puissant pousse ses pions avec logique, on imagine qu'ayant armé mon premier, mon deuxième ne tiendra pas jusqu'à la pub.

Sur les réseaux sociaux fleurissent tweets et posts avec le seul mot qui convienne, Héros. Mais j'ai le sentiment désagréable que pour la plupart des auteurs de ces hommages 2.0, le déclencheur a été la mort annoncée ce matin et non le geste courageux d'hier. Ce n'est pas la mort qui fait le héros, c'est au contraire l'amour immodéré de la vie, de la sienne et surtout de celles des autres. Le sacrifice est une option, mûrement pesée, pas un but quand on met sa vie en jeu pour sauver ses semblables. S'il avait survécu, Arnaud n'en serait pas moins un héros. Je pense à sa famille qui échangerait volontiers les honneurs contre une fin heureuse, juste avant la pub.

Léopold Sédar Senghor disait que les racistes étaient des gens qui se trompaient de colère. Cette phrase m'a marqué. Pleine d'humanité et d'optimisme. J'ai vu passé des messages de personnes qui accusaient le gouvernement, les politiques de meurtriers, le terroriste étant fiché S. Des messages sans un seul mot envers la pourriture qui a appuyé sur la gâchette. Comment peut-on à ce point déplacer les responsabilités ? Il sera bien temps de laisser place aux polémiques, le deuil passé. Il y en a qui ont perdu The Voice pour des dérapages similaires. S'il vous plait, ne vous trompez pas de colère. Et par respect pour le héros du Super U, abstenez-vous au moins le temps du week-end. Je n'oublie évidemment pas les autres personnes mortes ou blessées qui traçaient leur quotidien en poussant un caddies où en servant un client. Ils n'avaient choisi que de vivre leur vie dans une parfaite banalité. Pas dans un lieu de création humoristique, pas dans un lieu de concert, pas dans un lieu de plaisir. Un lieu du quotidien, qu'on ne voit à la télé que pendant la pub.